SPRINGFIELD
CONTRE ENFIELD
Traduction d’un article de Garry JAMES paru dans D.G.W. Blackpowder
Annual 1983
Bien que le mousquet à canon rayé et la balle
Minié eussent déjà prouvé leur valeur respective dans des conflits précédant la
Guerre Civile Américaine, appelée en Europe Guerre de Sécession, le
système n’avait jamais été essayé sur une échelle aussi vaste. Les Britanniques
utilisèrent d’abord leurs fusils rayés Enfield à balle Minié en Crimée de 1854
à 1856 et pendant la Mutinerie d’Inde aussi appelée Révolte des Cipayes de 1857
à 1859, et leurs succès poussèrent d’autres pays, plus particulièrement les
Etats Unis, à ré-évaluer et mettre à jour leurs antiques fusils à âme lisse en
même temps que leurs manuels militaires. La « Guerre entre les Etats »
vit des millions de fusils de type Minié de tous bords, les plus utilisés étant
les Modèles 1855, 1858 et 1861 des Enfield anglais. Le Springfield et l’Enfield
étaient considérés à cette époque comme les meilleurs fusils militaires rayés
bien que, aussi bien à cette époque-là qu’aujourd’hui, tous les deux avaient
leurs champions.
En fait, les autorités tant Fédérales que
Confédérées, ayant chacune devant eux l’énorme tâche d’armer une multitude
d’hommes, n’étaient souvent pas très regardantes quand il s’agissait de savoir
où les armes avaient été achetées, et les produits issus de contrats des deux
côtés de l’Atlantique étaient sujets à des variations subtiles en matière de
style et de qualité. Mais les Springfield et les Enfield sont aussi les favoris
de certains tireurs modernes, qui ont souvent déjà un préjugé favorable pour
l’un ou pour l’autre. Le fait que ces armes donnent toutes les deux de bons
résultats sur le terrain fait rarement changer un tireur d’avis, lequel
continuera à s’en tenir obstinément au choix qu’il a fait lui-même.
Franchement, depuis des années, j’ai tiré avec une quantité d’exemplaires des
deux sans vraiment penser à cette mini controverse, mais une discussion un peu
animée sur un stand récemment entre deux tireurs qui vantaient chacun les
meilleurs mérites de leur arme respective, m’a poussé à faire une comparaison
entre elles.
Nous avons pu trouver un Enfield Pattern 1853 et
un Springfield Model 1863, nous les avons démontés, analysés, et mis à
l’épreuve. Le test devait se faire avec le moins de considérations modernes
possible, et seulement des projectiles, des charges et une manière de charger
identiques à ceux de l’époque. Toutefois et avant d’entrer dans les détails de
ces essais, un peu d’histoire sur le système Minié ne serait pas hors de
propos.
Le concept du fusil rayé a depuis longtemps
intrigué l’esprit des militaires, mais les procédures de chargement de la fin
du XVIIe. Siècle et du début du XIXe., où il fallait descendre la balle dans le
canon à coups de maillet ou bien l’ajuster laborieusement avec un calepin de
cuir ou de tissu, limitait son emploi aux troupes spéciales. Vers les années
1820, les balisticiens militaires et les armuriers privés passèrent plus de
temps à se pencher sur le problème d’une balle non calepinée, une balle que
l’on pourrait descendre facilement dans le canon par la bouche, mais qui
engagerait toujours les rayures de manière adéquate.
Beaucoup de leurs trouvailles s’encrassèrent
littéralement dans les épais résidus de poudre noire brûlée, l’éternelle plaie
liée au projectile étroitement ajusté au canon. Il était évident que la
solution serait une balle d’un calibre inférieur, qui pourrait se dilater et
bien engager le haut et le fond des rayures. Le premier germe de l’idée de
la balle expansive semble venir d’un certain Capitaine John NORTON, de retour
en Angleterre après son service en Inde. Son projectile, tel qu’il fut présenté
en 1824 au British Select Committee on Firearms, ou la Commission Britannique
de Sélection des Armes, était de forme cylindrique, creux sur presque toute sa
longueur. Cette chambre contenait également la charge de poudre. La balle était
suffisamment petite pour tomber au fond du canon, et l’explosion de la charge
forçait théoriquement les parois tendres de la balle contre les rayures,
formant du même coup un joint parfait pour les gaz. Le Comité refusa d’essayer
le plan de NORTON, décidant sèchement « qu’une balle sphérique était la
seule forme de projectile adapté pour l’usage militaire ». Les
Anglais seraient-ils aussi cons que les Français ? Oh, que oui, entends-je
dire…
Presque au même moment en France, le Capitaine
Gustave DELVIGNE conçut un canon rayé avec une petite chambre dans la culasse.
Une balle ronde, sous-calibrée, était introduite dans le canon par la bouche et
venait se poser sur les arêtes vives de la chambre. Quelques coups vigoureux
avec une lourde baguette de fer sur la balle aplatissaient le plomb tendre et
l’ajustaient aux rayures. Le système de DELVIGNE fonctionna quelque peu, mais
la déformation de la sphère la faisait voler de manière erratique quand elle
quittait le canon. En 1833, le Lieutenant-Colonel PONCHARRA modifia le système
de DELVIGNE en ajoutant un calepin graissé sur la balle pour nettoyer le canon,
et en fixant un petit sabot de bois à la base de la balle pour réduire la
déformation causée par les coups de la baguette au chargement. Les carabines
fonctionnant selon le système DELVIGNE-PONCHARRA furent versées à une Compagnie
de Chasseurs à Pied en 1838 à titre d’essais, et le système fut adopté en 1840
en dotant dix bataillons des Tirailleurs de Vincennes, qui utilisèrent la
carabine avec succès en Algérie. En Angleterre, le fameux armurier de
Birmingham, William GREENER, s’était également attelé à la tâche de développer
une balle expansive. Son plan, tel que proposé au Board of Ordonnance en 1835,
consistait en un projectile ovale en plomb, avec une base plate et une chambre
étroite faisant presque toute la longueur de la balle. Un bouchon en fonte de
forme conique et une tête en forme de bouton était placé dans la cavité. On
pouvait charger la balle facilement et, au moment du départ du coup, le bouchon
conique partait vers l’avant, dilatant le projectile en le poussant dans les
rayures. A la fin de 1835, une compagnie du 60e. Rifle essaya le
système de GREENER de manière exhaustive et, selon les archives qui en restent,
fut très satisfaite. Pourtant les autorités ne furent pas impressionnées et
rejetèrent le projectile de GREENER parce que c’était un projectile composite. Les
Anglais étaient vraiment aussi cons que les Français !
Le chapitre suivant de cette histoire nous
ramène de l’autre côté de la Manche, dans l’atelier du Capitaine THOUVENIN. En
1843, il conçut sa « carabine à tige », un autre système basé sur
l’expansion de la balle au moyen de la baguette de chargement. Son système
différait de celui de DELVIGNE dans le fait qu’un projectile conique était
dilaté par enfoncement sur une courte pointe, la « tige », fixée au
fond de la culasse. Plus tard, THOUVENIN perfectionna le système en utilisant
une baguette de chargement dont la tête était creuse, épousant la forme du nez
du projectile, réduisant ainsi la déformation. Le système « à tige »
fonctionnait mieux que celui de DELVIGNE, et il fut utilisé dans plusieurs corps
de l’armée Française. En revenant un peu en arrière, nous nous apercevons que,
vers la fin de 1842, DELVIGNE avait breveté une balle possédant beaucoup des
caractéristiques de celle qui apparut ensuite et qui fut attribuée au Capitaine
Etienne MINIE. DELVIGNE proposait une balle cylindrique à base creuse, qui se
dilaterait sous le seul effet de l’explosion de la charge de poudre, en somme,
ce que nous appelons aujourd’hui la balle Minié. On voit que
les Français étaient aussi cons que les Anglais, eux aussi, en piquant
l’invention de l’un pour l’attribuer à un autre, et en voulant donner un nom à
tout le monde. Bien entendu, MINIE développa sa fameuse balle, et il le fit
pendant qu’il était Chef d’Escadron à la forteresse de Vincennes. Comme on s’en
aperçut en 1848, la balle de MINIE n’était rien d’autre que la balle à base
creuse de DELVIGNE, avec un petit cône en fer à la base qui était poussé dans
la cavité sous l’action des gaz. La balle de MINIE différait également un petit
peu de son prédécesseur, dans sa forme. Les autorités militaires françaises
étaient enchantées des performances de MINIE, mais se plaignirent que le petit
bouchon de fer traversait souvent complètement la balle, en laissant au fond de
l’arme un épais tube de plomb. On trouva également que le bouchon avait
tendance à se libérer de la balle et voler aléatoirement en oblique par rapport
au tireur, créant ainsi un danger pour ses propres camarades. Le bouchon de fer
fut remplacé par un bouchon de bois. Les autres pays se rendirent vite compte
des avantages du système Minié, et se mirent rapidement à faire leurs propres
expérimentations. En 1850, les Belges adoptèrent le premier fusil rayé
d’ordonnance, vite suivis par les Français et les Anglais. Donc, les Belges
étaient moins cons que les Français et que les Anglais. Les Belges et
les Français préféraient un projectile allongé avec des gorges de graissage
annulaires et en calibre .69. Le calibre de 69, pour les Français on
comprend, mais pour les Belges… Comme l’a noté le Major R. DELAFIELD dans
son rapport au Congrès des Etats Unis sur l’Art de la Guerre en Europe en 1855,
1855 et 1856 : « Un troisième concept a été adopté par les
Français, les Russes et d’autres, sur une base creuse en contact avec la poudre
qui se dilate par l’explosion, remplissant ainsi toute l’âme du canon et
s’ajustant avec les rayures du canon… avec trois gorges de graissage
extérieures. »
Ces projectiles étaient attachés dans des
cartouches en papier contenant la charge de poudre. Pour charger son mousquet,
le soldat arrachait le bout de la cartouche avec ses dents, versait la poudre
dans le canon, et asseyait la balle sur la charge avec la baguette de
chargement. Toutes les armes tirant la balle Minié étaient du système à
percussion, et une capsule de cuivre avec du fulminate de mercure était
l’amorce universelle. Les Britanniques choisirent la balle conçue par
l’armurier W. PRITCHETT qui, contrairement au modèle français, était lisse avec
une cavité assez profonde. Le calibre du fusil Pattern 1851, appelé
« minnie » par les soldats, était de .702. Sa balle Pritchett de 680
Grains était au calibre de .690. Les Britanniques décidèrent de garder le
bouchon conique en fer. La balle était enveloppée dans un calepin de papier
graissé, et insérée dans la cartouche base en haut. Pour charger, le soldat
déchirait le bout de la cartouche avec ses dents, versait la poudre dans le
canon, renversait la cartouche et poussait le tout, balle, papier et tout, dans
le canon, ce qui déchirait le reste de papier et formait une bourre. Il
asseyait ensuite la balle sur la charge avec la baguette de chargement et
pouvait tirer. Très vite, les Britanniques eurent des problèmes avec le pas
très serré du projectile en .690 Minié ce qui, couplé aux résultats des essais
en petits calibres faits dans d’autres pays, les poussa à adopter le calibre de
.577 et le célèbre fusil Pattern 1853. Les difficultés rencontrées avec le
petit bouchon de fer amenèrent bientôt à le remplacer par du bois eux aussi.
Avec cette munition, aidée d’un nouveau modèle de hausse pour le tir à longue
distance, graduée jusqu’à 900 yards, la précision fut phénoménale pour
l’époque. Le Pattern 1853 fut produit en quantités suffisantes pour voir du
service en Crimée, où il devint vite l’arme favorite des soldats Britanniques.
Les Américains ne furent pas longs à tirer des
leçons des Européens et, dès 1855, homologuèrent leurs propres fusils Minié. Le
fusil U.S. modèle 1855 était une jolie arme, bien faite, en calibre .58. La
balle de 500 Grains, conçue par le colonel BURTON de l’U.S. Army, était du type
adopté par les Français, avec des gorges de graissage et sans le bouchon
expansif. Toutes les armes des séries 1855 utilisaient le système d’amorçage à
bande Maynard. Les Américains abandonnèrent bientôt le système d’amorçage
Maynard pour la grande capsule à percussion « chapeau
haut-de-forme », et en 1861 sortit un nouveau fusil Springfield. L’arme
présentait le même chien bizarrement incurvé que son prédécesseur, et reprenait
les mêmes lignes générales. Alors que les premiers 1855 possédaient une hausse
sophistiquée en forme d’échelle graduée jusqu’à 900 yards, du même style que
l’Enfield, on simplifia cet accessoire en 1858 par une version spartiate à deux
feuillets, permettant une visée jusqu’à 500 yards au maximum. Le modèle 1861,
probablement le fusil Yankee le plus utilisé pendant la Guerre, fut de nouveau
transformé en 1863, encore que les transformations n’affectaient principalement
que le chien en lui donnant sa forme familière en « S », et la
suppression de la vis permettant le nettoyage à la base de la cheminée. Des
milliers de « 61 » et de « 63 » furent fabriqués à
l’Arsenal National, et plusieurs milliers d’autres par des sous-traitants
civils comme Colt, Remington, S. Norris et W.T. Clemens, Whitney, etc.
Les fusils Enfield, eux aussi, firent l’objet de
quelques petites transformations depuis leur mise en service en 1853. La plus
importante fut en 1858 quand on élimina les ressorts retenant le canon, et
qu’on adopta les grenadières serrées par vis, de type « Baddeley » et
dites « bandes ». Egalement, la baguette de chargement, qui était
retenue à l’origine dans le fût par un renflement venant s’ajuster dans une
rainure prévue à cet effet, fut remplacée par une baguette droite maintenue
fermement dans le fût par un ressort en forme de cuiller. Les Britanniques
décidèrent que leur arme porterait trois rayures, au pas de 6 ½ pieds pour un
tour. Les Américains furent d’accord, mais changèrent le pas à 6 pieds pour un
tour. Alors que le calibre choisi par les Britanniques était de .577 et celui
des Américains de .58, on se rendit compte bien vite que les Enfield pouvaient
aussi tirer les munitions américaines. En raison de sa dépendance des armes
d’importation, la Confédération fit cependant du .577 son calibre officiel. Les
fusil Enfield qui ont été utilisés pendant la Guerre Civile Américaine
furent produits à plusieurs endroits. Il y eut même des copies Rebelles et
Yankee. Les ateliers qui produisirent probablement la majorité des armes
importées durant la rébellion se trouvaient aux alentours de la ville armurière
de Birmingham. La période des premières années 1860 fut particulièrement
prospère pour les armuriers britanniques, puisque de grandes quantités de leurs
produits ne furent pas seulement livrées à leur propre armée ou unités de
milice et aux américains, mais aussi à des factions guerrières en Chine,
où la rébellion cataclysmique de Taïping battait son plein.
Les Springfield, pour cet article nous
utiliserons ce terme pour les « 61 » et les « 63 »
également produits par les sous-traitants, étaient pour la plupart finis polis
avec les garnitures en fer, bien que les platines sur les « 63 »
fussent jaspées. Les fûts étaient en noyer huilé. Les Enfield avaient
généralement des garnitures en laiton, mais le fer n’était pas rare, les canons
étaient bronzés bleu foncé, et les platines jaspées. Les fûts étaient également
en noyer huilé. Les deux armes étaient équipées de baïonnettes triangulaires
qui se fixaient au canon par une virole tournant autour du guidon. La lame
britannique mesurait 17 pouces et elle était un peu plus forte à la base où
elle rejoignait le quillon. La baïonnette du Springfield était longue de 18
pouces et sa forme ressemblait plus à celle du modèle français. Les fourreaux
différaient considérablement, la version britannique était faite en cuir noir
avec une calotte et un collet en laiton, et un raidisseur intégral qui
s’ajustait dans un porte-baïonnette ou un brandebourg séparés. Le fourreau
Yankee était également en cuir noir avec une calotte en laiton, mais le porte-baïonnette
était attaché en permanence en haut. Le fourreau britannique se portait au
droit de la ceinture, alors que l’angle formé par le modèle américain le
faisait pencher en avant, le rendant plus facile à saisir.
Comme précisé au début de cet article, les armes
qui ont été choisies pour notre test sont les types standard du genre, mais une
description un peu détaillée de chacune ne serait pas hors de propos. L’Enfield
était une variété standard du Pattern 53. Le canon était marqué des poinçons de
Birmingham, mais la platine, bien qu’entourée d’une ligne, ne portait aucun
marquage, ce qui signifie que l’arme a plus que probablement été destinée à un
usage par la milice. Sur les armes fournies aux troupes régulières
britanniques, les platines étaient marquées de la Couronne de la Reine
surmontant les lettres VR, pour « Victoria Regina ». La date et le
fabricant, comme Enfield, Potts & Hunt, etc., étaient gravés devant le
chien. Le canon de 39 pouces gardait encore des traces du bronzage d’origine,
et l’intérieur du canon était pratiquement parfait, les trois rayures étant
bien visibles depuis la bouche. Les baguettes d’Enfield firent l’objet d’une
quantité de tests considérable avant que le modèle fût déposé. Sur l’arme
de nos essais, la tête était fraisée et découpée. L’entaille pouvait être
utilisée pour y fixer le chiffon de nettoyage, ou un tournevis pouvait y être
inséré pour créer un bras de levier plus grand lorsqu’on essayait de sortir une
balle avec le tire-balle qui se vissait à l’autre extrémité de la baguette.
Dans l’ensemble, le travail de finition sur l’arme d’essais était excellent.
L’ajustage du métal au bois était bon, et les décorations étaient gravées, pas
poinçonnées. Comme accessoires, les Enfield avaient un petit outil combiné très
pratique, d’abord remis aux sergents et aux caporaux, comprenant une clé de
ressort, un tournevis, un débouche-cheminée, un tire-balle, une clé de cheminée
et un huilier, plus un bouchon de canon en liège garni de fer ou de
laiton, et un couvre-cheminée en cuir qui était attachait au fusil par une
chaîne en laiton et qui permettait au soldat de tirer à sec avec son arme. Une
cartouche originale d’Enfield a pu être examinée. Il s’agissait d’un objet
complexe, fait de plusieurs bandes intérieures et extérieures, gommées. L’objet
était robuste, et les soldats le trouvèrent facile à utiliser pour le
rechargement au combat.
Notre arme de Yankee était un modèle
« 63 » fabriqué par la Trenton Locomotive & Machine Works à
Trenton, état du New Jersey. Sur la platine, il restait des traces de jaspage,
bien que le reste de l’objet, y compris le canon de 40 pouces, était poli
blanc. Le fût était en bon noyer, marqué comme il le fallait avec les tampons
des inspecteurs. La baguette présentait la tête de tulipe classique avec son
renflement, et son extrémité était filetée pour recevoir les accessoires
standard. Les marquages de la platine indiquaient « U.S. / Trenton »
et l’aigle américain était gravé sur le support de cheminée. Dans l’ensemble,
la finition était au moins aussi bonne, sinon meilleure, que celle de
l’Enfield. Les accessoires de ces armes, à l’exception d’un outil composite
multiple assez rare, étaient généralement portés séparément. Ils incluaient un
tournevis démonte-cheminée à trois têtes, une clé de ressort, un chasse
goupilles, un tire-balles, un lavoir et un bouchon de canon en bois tourné. La
cartouche du Springfield était plus simple que celle de l’Enfield, et n’était
rien d’autre qu’une enveloppe enroulée, attachée à l’avant et contenant une
balle, tête la première, et la poudre. Tout comme la munition britannique, elle
avait une queue longue et plate que le soldat pouvait déchirer avec ses dents
pour mettre la poudre à nu. Le soldat américain recevait ses capsules
d’amorçage dans une feuille de papier enroulée et attachée sur l’un des côtés.
Les capsules Crown étaient distribuées dans des boîtes en étain, d’abord
portées dans la giberne, puis contenues plus tard dans la petite sacoche à
amorces à la manière américaine.
Les projectiles et les charges qui ont été
choisis pour les essais étaient, pour les spécifications des années 1860, une
balle Pritchett de 530 Grains et de calibre .568 avec 2 Drams et demi, soit 68
Grains, de poudre noire FFg pour l’Enfield. Pour le Springfield, nous avons
pris une balle Minié Lyman # 575213 « original-style », assise sur 60
Grains de FFg. Les projectiles étaient graissés avec un mélange de cire
d’abeille et de suif, et les tirs se sont effectués par séries de cinq coups,
en nettoyant entre les coups. Ceci reproduit en quelque sorte les conditions
dans lesquelles les armes auraient servi au combat. Sauf que je ne suis pas sûr
que le soldat avait le temps de passer un coup de chiffon entre les coups sur
un champ de bataille, spécialement pas avec un officier dans le dos qui le
poussait à foncer en avant avec son sabre.
Sans entrer dans une description fastidieuse de
chaque série coup par coup, il est peut être intéressant de noter les
impressions générales que nous avons eues au cours d’un après-midi de tir.
D’abord, en dépit d’une balle plus lourde et d’une charge plus importante, nous
avons trouvé que l’Enfield était beaucoup plus doux à tirer que le Springfield.
On peut probablement attribuer ce fait à la crosse de l’arme britannique, plus
droite, et à la plaque de couche plus incurvée, comme sur un fusil de chasse.
La plaque de couche plate du Springfield punissait après quelques coups
répétés. Sur notre Enfield, la détente était infiniment meilleure que celle du
Springfield, bien que l’expérience ait prouvé que les poids de détente peuvent
varier considérablement d’une arme à l’autre dans le même type, et nous ne
condamnerons pas le Springfield pour cela. En fait, les mécanismes des deux
armes sont pratiquement identiques. La baguette de chargement de l’Enfield
était plus forte que celle du Springfield, mais ce dernier se chargeait tout
aussi facilement que l’autre. Au nettoyage, en particulier avec les lavoirs en
forme de tire-bouchon, nous avons trouvé que le fait que la baguette de
l’Enfield avait plus de viande était un plus. Du même coup, une tige passée à
travers l’échancrure de la tête nous a permis de sortir facilement un morceau
de chiffon qui était resté dans le canon. Quand la fumée se dissipa, le
groupement de l’Enfield, à 100 yards et sur appui, mesurait 4 pouces, et celui
du Springfield mesurait 7 ½ pouces. Aucune difficulté ne fut rencontrée sur
l’une ou l’autre des deux armes pour le rechargement, même après le tir de
quelques séries jusqu’à dix coups. On dirait que ces cons-là n’ont tiré que
dix coups à peine avec chaque arme ; c’est donc normal que leurs essais
n’ont duré qu’un après-midi. L’allumage sur les deux armes était sûr et
constant, et nous n’avons pas eu de ratés à attribuer à une mauvaise
conception. Le mec ne dit pas s’il a eu des ratés ou s’il n’en a pas eu, il
dit simplement cela pour remplir des lignes.
Le but de ces essais était de voir lequel, de
l’Enfield ou du Springfield, était supérieur à l’autre, et je ne peux pas
vraiment me prononcer. Alors que les deux armes se sont très bien comportées
dans le rôle pour lequel elles avaient été conçues, je donnerai toutefois la
préférence à l’Enfield. Ce choix n’est pas seulement lié aux performances, mais
à des facteurs de conception, comme la baguette de chargement de l’arme
anglaise qui était bien supérieure à celle de son concurrent, et d’autres plus
intangibles, comme l’esthétique et l’attention générale donnée aux détails dans
la fabrication. L’outil combiné de l’Enfield était une amélioration notoire par
rapport aux outils séparés du Springfield, mais il faut se rappeler que le
soldat américain était doté de pratiquement tous les accessoires, çà je n’en
suis pas si sûr, quand le soldat britannique dépendait largement de l’outil
porté par son sergent. Là, nous avons un petit coup de pouce. Les baïonnettes
étaient au moins aussi efficaces l’une que l’autre, je parie que le mec ne
les a même pas essayées sur ses petits copains, et les fourreaux tout aussi
pratiques. Alors que les organes de visée de l’Enfield sont plus complexes et
de meilleure qualité que ceux du Springfield, même les experts des années 1860
admettaient qu’une distance de 900 yards était très optimiste pour un fusil
tirant la balle Minié. La hausse à deux feuillets du « 63 » est
certainement plus adéquate et, d’un point de vue de durabilité et de coût de
fabrication, c’est assurément un plus. Inutile de le dire, un après-midi de tir
pour les deux fusils sélectionnés n’est en aucun cas un test qui pourrait faire
autorité. Plusieurs personnes ont tiré avec les armes, cependant, et l’avis
général rejoint ce qui est écrit ci-dessus. J’ai tiré depuis des années avec
plusieurs Springfield et Enfield mais, prises à part, il n’y a pas de
différence particulièrement notoire entre l’une ou l’autre de ces armes. Je
suis sûr que c’était aussi le cas pendant la Guerre Civile. Les hommes se
rendaient compte qu’elles représentaient ce que leur gouvernement avait de
mieux à leur fournir ou procurer, et ils étaient satisfaits de cette idée. Les
pertes énormes dans les deux camps sont une autre preuve de l’efficacité
mortelle de ces deux fusils.
ILLUSTRATIONS
A gauche, deux balles d’origine retrouvées sur
un ancien champ de bataille de la guerre de Sécession, soit la balle Pritchett
et la balle Minié. On remarque la forme pointue de la balle Minié. Rien à voir
avec ce qui sort des moules disponibles couramment dans le commerce
aujourd’hui. A droite, les balles coulées par l’auteur.
Plan de la balle d’origine. Je retiens :
calibre de .5775, poids 500 Grains pour 60 Grains de poudre à gauche, destinée
au fusil, et 450 Grains pour 40 Grains de poudre à droite, destinée à la
carabine.